LES RESTOS d'EMMANUEL RUBIN : Bleu, blanc, food !

17 octobre 2010 7 17 /10 /octobre /2010 11:06

Aux quatre (!) coins de l’Hexagone, quatre tables et quatre chics Frenchies pour les accompagner.

Avec un Frenchy profond… Le Chat

La France est, paraît-il, très profonde, avec ses kilomètres de silence et ses heures de campagne. Du coup, si l’aventure commence au coin de la rue, il arrive qu’elle se poursuive dans le dos d’un pré. Ou sur une route bucolique, à la traversée d’un village du Sancerrois avec, soudain, sur le bord, un ancien caf-conc’ miaulant une drôle d’enseigne : Le Chat. Quèsaco ? Juste le troquet le plus branché du pays, Fooding 2009 du Meilleur bistrot, repaire popotté par un jeune ancien Parisien de La Famille et du Mac/Val. Une adresse comme un fantasme d’auto-stoppeur où l’appétit s’excite de petits plats enjoués, malins tout pleins (bœuf au vin rouge assaisonné d’anchois, terrine de boudin noir fruitée aux granny-smith, ganache choco-tabac…).

Menus à 14, 18 et 26 €.

42, rue Guérins, Villechaud (58).

Tél. 03 86 28 49 03

Avec un ch’ti chic… L’Oyster Bar

Un comptoir à coquillages, trois larges tables en verre bleuté, des tabourets hauts perchés, une salle sonore et allez zou !, des huîtres Prat Ar Coum, du caviar d’Aquitaine, du saumon fumé maison, des crevettes, des bulots,

de l’iode en barre, de l’iode au bar, et aussi ce sentiment d’un repas en avant-après spectacle. Et le spectacle ? Dans la salle, l’instant d’un bluffant décor céramiqué où les langoustes du vivier font tout un théâtre. Où êtes-vous ? À Paris, Covent Garden, Broadway… Non, juste à Lille, Nord, face à face avec un Ch’ti en passe de cartonner votre box-office amoureux, sans les oreilles de Dany Boon, sans les miloute-frites mais avec la seule pluie d’un verre de pouilly fumé.

Env. 20-35 €.

3, rue des Chats-Bossus, Lille (59).

Tél. 03 20 55 43 41.

Avec un Made in Paca… La Passagère

Les lunettes ? Aussi noires que la crinière. La crinière tombant sur la chemise ouverte. Et la chemise plus ouverte que le toit du cabriolet. Inutile de vous faire un dessin, vous roulez depuis plus de cinq minutes déjà au côté d’un fils de Riviera, kakou solaire, tchatchant avec les mains, riant la bouche pleine, mangeant aux éclats. Cette saison, prise en sandwich entre deux bleus (le ciel, la mer), sa cantine pointe du côté du Cap, à La Passagère, table toute fraîche d’un hôtel mythique,

le Belles Rives. Aux commandes, Alain Llorca, golden boy de la sun food, prodiguant asperges au jambon ibérique, pâtes aux truffes, dessert tout-agrumes. Avec un peu de chance, le made in Paca vous avouera qu’avant vous deux, ici, Fitzgerald et Zelda vécurent “Tendre est la nuit”.

Env. 50-100 € (il invite !).

À l’hôtel Belles Rives :
33, bd Édouard-Baudoin, Juan-les-Pins, Cap d’Antibes (06). Tél. 04 93 61 02 79.

Avec un fatal Parisien… La Société

Ouverte au monde, sa ville n’appartient à personne ! Pas plus à lui qu’aux autres et aux suivants. Ne se connaît pas de drapeau, n’a pas la fibre folklo et, lorsque vous lui lâchez le mot terroir, il vous fait le grand écart entre Balard et Barbès-Rochechouart. Avec sa ville Lumière, lui se sent comme éclairé. À table ? Vous allume mille fourneaux. Bistrot, bobo, cosmo, d’en haut ! Aux derniers feux de la saison, il clignote du côté de La Société, ultime adresse d’entre Costes et Rive gauche, dans la légende des saints cafés germanopratins, avec l’avocat vinaigrette à 14 €, le piano de nuit, la serveuse belle-de-jour et ce sentiment que, dans ce quartier, depuis Sartre, la frime, c’est comme l’existentialisme. Une comédie d’humanisme.